« Ornitho-logis : Nos voisins à plumes » 🐦
Cette ville, autrefois inhabitable et hostile, je l'ai quittée depuis de nombreux printemps. Tout y paraît terne, morne, sans vie ; le goudron et le béton ont remplacé les espaces verts. Rien n'y pousse, ni n'y prospère. L'Homme y règne en maître tout-puissant et destructeur, éradiquant le moindre végétal ou animal qu'il déclare comme nuisibles. La ville est à son image, c’est-à-dire créée par et pour les Hommes. Où sont passés les fleurs qui coloraient les plate-bandes, les insectes qui volètent librement, les oiseaux qui gazouillent entre eux avec entrain ?
L'hiver a été rude, heureusement, le soleil printanier pointe enfin le bout de son nez. Je suis à la recherche d'un endroit où nicher et m'occuper de mes futurs oisillons.
Certains aspects de cette ville sont restés les mêmes, d'autres ont changé. Le long d'un mur qui auparavant était gris et repoussant, un nouveau dispositif a vu le jour, à mon plus grand étonnement. On peut y observer des modules en céramique creux, où poussent des fleurs mellifères, riches en nectar. Les insectes pollinisateurs se délectent de ces plantes, tandis que plusieurs espèces oiseaux ont élu domicile dans les nichoirs accrochés au mur.
C’est comme si la ville vivait enfin. Les humains y habitent toujours, mais le printemps n’est plus silencieux comme avant, les oiseaux osent exister, leurs chants ne sont plus couverts par le bruit incessant des voitures.
Ce que je vous raconte ici, de mon point de vue de simple moineau domestique, c’est description d’une ville qui paraît certes utopique, dans un futur pourtant assurément proche et atteignable. Humains et biodiversité peuvent tout à fait cohabiter en milieu urbain, faisons en sorte que cela puisse être possible en leur aménageant un espace dédié en prenant appui sur le bâti déjà existant.
L'architecture en ville est, le plus souvent, pensée uniquement par et pour les Hommes. Et si nous y accueillions les oiseaux qui nous entourent ? Le déclin des oiseaux et des insectes est une des causes des activités humaines. En milieu urbain, nous cherchons à éliminer systématiquement toute forme de vie considérée comme "nuisible", en y installant différents dispositifs. Notamment : pics anti-oiseaux, façades rénovées dépourvues d'anfractuosités où les oiseaux cavernicoles pouvaient nicher auparavant, ou encore utilisation de produits phytosanitaires, véritables poisons à retardement. En effet, les pesticides se révèlent nocifs pour toute forme de biodiversité : à la fois pour les fleurs, les insectes qui butinent ces fleurs, et finalement les oiseaux qui se nourrissent de ces insectes...
Nous oublions parfois aussi le fait que nous vivons avec des oiseaux en ville. Pourtant, l’accès à la nature est un besoin vital pour l’Homme, contribuant à son bien-être général. Selon de nombreuses études, les chants d’oiseaux nous apaisent. Pouvons-nous faire en sorte d’éviter que les printemps deviennent silencieux, comme le souligne Rachel Carson, figure emblématique des débuts du mouvement écologiste dans les années 50 ?
Le projet « Ornitho-logis » cherche à employer la verticalité présente en ville, en particulier sur le bâti, afin de favoriser un cercle vertueux de biodiversité. Cette idée a pris racine dans le principe des murs biodiversitaires déjà existants, à l’image de ceux conçus par Chartier Dalix, ou encore celui disposé au Musée du Quai Branly.
Chaque élément architectural a sa propre fonction : soit pour les oiseaux, les insectes ou les plantes. Inspirés des parements et des briques, ces modules peuvent être accrochés aux murs à l’aide de crochets, ce qui évite les abîmer. Ce dispositif peut en effet être aisément enlevé et déplacé ailleurs.
La céramique, matériau résistant et polyvalent, se prête bien à cet usage. La faïence, poreuse, permet de garder l’humidité pour que le végétal prospère. Quant au grès, il tient particulièrement bien aux variations de températures, ce qui lui évite d’éclater sous le gel hivernal, et garder la fraîcheur lors de la chaleur estivale.